Les aventuriers de la mer intégrale 1 de Robin Hobb, une navigation houleuse…

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Je me souviens avoir déjà tenté de lire du « Robin Hobb », c’était le premier tome de sa célébrissime saga « L’assassin royal ». Je me souviens l’avoir terminé et avoir dit plus jamais… Je ne sais pourquoi j’ai été conquis par la couverture de cet intégrale 1. Peut-être parce que l’ambiance de la piraterie, des marins ? Il est vrai que c’est un univers qui me fascine, vers lequel j’accroche plus et qui est très peu abordé en littérature de l’imaginaire mais au final… Je ne sais toujours pas quoi penser de Robin Hobb.

La famille Vestrit connaît un revers de fortune. Il ne lui reste plus qu’un bateau en bois-sorcier, la Vivacia, que le capitaine Vestrit lègue à l’époux de sa fille aînée peu de temps avant de mourir. La fille cadette, se sentant délaissée, décide de le récupérer à n’importe quel prix.

Autant entrer tout de suite dans le vif du sujet. Heureusement qu’il s’agit là d’un intégrale et que j’ai horreur de commencer un livre et de ne jamais le finir. Heureusement en effet parce qu’au bout de 200 pages, si cela avait constitué le 1er tome de la série, je n’aurai pas été plus loin. Voyez le synopsis que tout site de vente propose ? Et bien c’est un résumé très court des 200 premières pages de l’intégrale. Alors oui, je vous concède ma mauvaise foi sur le sujet, c’est bien développé, les personnages se mettent en place au milieu de l’intrigue qui avance doucement (mais alors très très trèèèèèèèès doucement…) mais sûrement. Mais voilà, il ne se passe strictement rien. Presque rien. Et tourner les pages pour y voir une mise en place, c’est agaçant et très très gavant.

Pourtant je n’ai pas abandonné, outre mon horreur de l’abandon d’un livre entamé (le seul qui a eu le droit à ce parjure reste « La Princesse de Clèves »), Robin Hobb a inventé un univers plus que cohérent avec une certaine application dans les descriptions. Je crois bien que c’est cet aspect qui m’a fait tenir tout au long de ces très longues premières pages. Il faut dire que l’univers de la mer, de la piraterie est quelque chose que j’ai toujours aimé, du moins qui exerce une certaine fascination sur mon imaginaire et je dois dire qu’avec ce premier intégrale, je suis plus que servi. Pour dire la vérité, j’avais vraiment l’impression de me retrouver sur le pont de la Vivacia, ou de tous les autres navires déployant leurs voiles au fil des mots de Robin Hobb. L’ambiance et les descriptions sont prenantes et nous conduisent petit à petit dans cet univers ficelé à merveille où luttes familiales et luttes de pouvoirs s’entremêlent sur un fond de géopolitique un peu en retrait mais qui grandit au fil des pages.

Autre point fort (mais qui se révélera également un point faible à mes yeux) réside dans certains des personnages. Prenez Althéa, la Vivacia, Hiémain et surtout le capitaine Kennit (révélation pour moi de ce roman en terme de « héros/méchant ») et vous avez une brochette de personnages qui font là le jeu du roman et de son intrigue. On prend un plaisir démesuré à suivre leurs pérégrinations au fil des pages, à s’attendre à ce qu’il arrive monts et malheurs (détournement d’expression tadaaam) et on s’attache, du moins je me suis vraiment attaché à eux. Parce qu’ils ont ce qu’il faut pour faire un bon personnage, ils sont omniprésents tout en étant attachants mais aussi détestables, on se doute qu’ils sont les héros ou les méchants mais une part d’eux-mêmes reste sur la ligne médiane de cette opposition et bon sang que c’est bon ! A contrario, certains personnages – bien qu’ils occupent une place importante – ne m’ont fait aucun effet. Notamment Ronica Vestrit, Keffria Vestrit ainsi que Malta et Kyle Havre. Je ne sais pas si c’est voulu de les rendre inintéressant à ce point… Surtout Kyle Havre. C’est tout ce que je déteste, un personnage immédiatement catalogué et qui ne bouge pas d’une ligne bien que les circonstances pourraient l’amener à s’emmêler dans ces ressentiments. Mais non c’est niet et il reste encore et toujours ce personnage inintéressant. Je ne peux même pas dire détestable parce qu’on s’y attend tellement qu’on ne peut avoir le moindre ressenti face à lui.

Arrive ensuite le déroulement de l’intrigue. Et encore une fois, ça navigue entre le bon et le moyen/mauvais. C’est une intrigue plaisante où – comme dit plus haut – plusieurs soucis s’imbriquent entre eux au fil des pages. Et c’est là le paradoxe c’est que l’intrigue familiale et politique autour de la famille Vestrit est très très plaisante à suivre mais gâchée par la fadeur des 3/4 des personnages, notamment tout ce qui se déroule à Terrrilville… Heureusement que la quête d’Althéa et du capitaine Kennit redonne du baume au coeur et nous tient au haleine tout au long de ce pavé même si, franchement, on devine l’achèvement de l’une d’elle dès le milieu de l’intégrale et il n’y a pas besoin d’être un génie pour le comprendre. Cependant lorsque cela arrive, c’est réellement un passage marquant puisque plusieurs personnages clefs s’y confrontent. C’est d’ailleurs le point culminant de ce premier intégrale qui nous abandonne avec la sensation de nous poser encore plus de questions qu’en le lisant. Ce découpage est judicieux parce qu’il joue sur notre imaginaire à nous faire des suites de ce que l’on vient de découvrir…

Alors au final j’en ressors un peu déçu. La plume de Robin Hobb allie le très bon et le mauvais, tout en étant assez prévisible dans le déroulement de son intrigue. Si le découpage n’était pas fait en intégrale, je pense que je n’aurai pas accroché mais bien m’en a pris que d’acheter ce pavé puisque je me suis plongé non sans plaisir dans cet univers parfaitement décrit. Bien qu’avec une pointe de déception dans l’esprit, je vais continuer à lire cette série, ne serait-ce que pour découvrir ce qu’il arrive à ce personnage haut en couleur qu’est le capitaine Kennit qui est mon gros point fort, il y avait longtemps qu’un personnage ne m’avait pas autant plu !

Le Phénix Vert de Thomas Burnett Swann, véritable coup de cœur !

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Il y a certains livres qui vous marquent, qui entrent en vous pour ne plus en sortir. Parfois c’est l’ensemble des oeuvres d’un auteur qui vous fait ressentir cela. Je crois sincèrement que c’est ce qui est en train de se passer pour moi avec Thomas Burnett Swann. Déjà, lors de ma découverte de cet écrivain par son roman « Plus grands sont les héros » – sublime réinterprétation mythologique du combat entre David et Goliath – j’avais été submergé par la beauté de l’écriture et de l’imaginaire de T.B. Swann. Mais là, ce « Phénix Vert »…

Pour Mellone la dryade, la vie s’annonçait paisible : son arbre, ses abeilles, un jour sans doute, un enfant après une nuit passée dans l’Arbre divin. Mais la Forêt bruit soudain d’une terrible nouvelle : Énée, le tueur de femmes, le parjure, le monstre assoiffé de sang, vient de débarquer sur les côtes. Comme toutes ses sœurs, Mellone a juré devant sa reine la perte de l’envahisseur, qui s’imagine investi par les dieux du devoir de créer une nouvelle Troie sur ce rivage et dont l’arrivée signifie leur perte. Pour les derniers êtres magiques de l’Âge d’or, va s’engager un combat qui va bouleverser les fondements mêmes de leur existence.

J’annonce tout de suite la couleur : avec cette nouvelle lecture de l’écrivain nord-américain, ce dernier entre directement dans mon TOP 5 de mes écrivains préférés. Je pense même qu’il bataille fermement pour entrer dans le TOP 3 voir la plus haute place tellement j’ai dévoré chacun des deux romans que j’ai pu lire de lui.

Thomas Burnett Swann c’est souvent une question de réinterprétation mythologique. Il en faut peu pour avoir une idée, lui c’est son truc. Prendre des personnages mythologiques et les replacer dans une histoire basée sur des éléments de « fantasy ». Dans ce cas-là il s’agit d’un héros de la guerre de Troie, Énée, qui se retrouve éloigné de sa terre natale au sein d’un milieu hostile puisque les habitantes de ces terres souhaitent voir sa mort. Un synopsis classique mais l’auteur va réussir à sublimer cette ébauche, à la transcender…

Parce que oui, l’histoire est simple. C’est une rencontre entre deux peuples que tout opposent, c’est un choc des civilisations et des cultures, c’est une méprise sur les intentions, la peur de l’inconnu. Pourtant la lecture y est délicieuse, les pages défilent à une vitesse folle. Pourquoi ? Parce que tout y est sublime. L’enchaînement des péripéties, les retournements de situation, tout s’accorde, s’assemble comme une symphonie berçant notre esprit. La description des ressentiments, des tensions, de l’amour, de la haine est si fluide, s’accompagnant à coup de métaphores plus belles les unes que les autres. On se prend à arpenter la douceur des chênes, à écouter le bourdonnement des abeilles, le tapage des sabots des faunes sur le sol… Une histoire d’amour qui prend place dans un monde où il n’est pas étrange de croiser des créatures fantastiques, où l’homme côtoie celles-ci et doit apprendre à vivre avec. C’est bien plus qu’un simple récit, c’est un ode à la nature, aux animaux, au « vivre-ensemble ». Une fois ce livre entamé, je n’avais aucune envie de le refermer, tout y est tellement beau. C’est une oeuvre antique, digne des grandes pièces tragiques du théâtre grec, que nous livre Thomas B. Swann.

Que dire de la plume de l’auteur ? C’est une écriture soignée, teintée de poésie et de mélodie, digne des plus belles envolées lyriques. Ce n’est pas en vers mais l’oeuvre de T.B Swann pourrait parfaitement s’inscrire dans celle du célèbre Homère parce que, oui, cette lecture m’a fait penser à l’Odyssée dans son style et sa façon de raconter tellement la plume est baignée de sensualité. Ce livre ne se lit pas, il se déguste, il coule dans notre esprit comme un filet de ce doux miel de notre enfance. Un pur régal, un pur délice. Tout y est poétique, magique…

Bref vous l’aurez compris, ce livre est un véritable coup de cœur. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas ressenti cela en lisant un livre. Thomas Burnett Swann est un auteur méconnu de la littérature de l’imaginaire alors que son oeuvre est l’une des plus poétiques que j’ai pu lire jusqu’alors. Cela confirme ma première impression de l’auteur et il ne m’en a pas fallu plus pour que j’achète les yeux fermés le reste de la bibliographie de l’écrivain. Comme à l’image de ce « Phénix Vert » je suis persuadé de me transporter dans un monde antique, mélodieux et poétique avec le reste des œuvres de Thomas Burnett Swann.

 

PS : Que dire de l’ajout de la novella « Ou est-il donc, l’oiseau de feu » qui nous permet de plonger un peu plus dans l’univers de l’auteur et dans l’histoire de Mellone qui se retrouve impliquée dans celle de la création de Rome. Toujours aussi poétique, toujours aussi tragique, c’est un régal supplémentaire pour notre appétit de lecteurs !

Lud-en-Brume de Hope Mirrlees, de la fantasy à mi-chemin entre le roman et le conte !

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Il faudra que je vous en parle un jour de ma façon de choisir mes livres. Pour celui-ci c’est la couverture qui m’a directement donné envie de le lire. Pour certains – selon les avis que j’ai pu lire avant de faire cet avis – la couverture choisit par les éditions Callidor est un repoussoir, pour moi c’est l’ouverture à un monde imaginaire, féérique, fantaisiste… Tout ce que j’aime ! En la voyant, je n’ai pu résister à l’envie de le lire et c’est finalement une lecture agréable qui m’a accompagné durant ces derniers jours…

Aux frontières de la Faërie, Lud-en-Brume est une cité prospère et paisible. Mais les secrets hérités du royaume voisin ne sauraient rester indéfiniment dans l’ombre. Les fruits féeriques, drogue nocive et bannie de la société luddite, circulent dans la région. Ranulph semble en être victime, et son père, le Maire Nathaniel Chantecler, qui faisait jusqu’à maintenant régner la Loi d’une poigne molle et tranquille, se doit bientôt de faire l’impensable pour sauver son fils et sa cité. Mais heureusement pour Lud-en-Brume, Nathaniel est doté d’un esprit des plus pragmatiques… et d’une tête dans la lune.

Plus de dix ans avant Le Hobbit de J.R.R. Tolkien, Hope Mirrlees allie un style riche à une plume ironique pour faire de son roman une œuvre étrange, un chef-d’œuvre inclassable de l’imaginaire.

Une oeuvre étrange, c’est le cas de le dire. Durant toute ma lecture je n’ai pas réussi à déterminer si cela appartenait au conte ou au roman, par conte je vois plutôt cela comme un peu le « Dévoreur » du très bon Stefan Platteau. A la fin, je n’ai pu me résigner à faire un choix : c’est un roman-conte, oui je sais c’est un peu facile ! Dans notre imaginaire à tous, le conte s’apparente à un genre plutôt court alors qu’ici l’ouvrage fait tout de même 350 pages mais la portée philosophique et les questionnements qu’amène la lecture (si si vous savez la petite morale à la fin !) laissent croire qu’il s’agit d’un conte.

 

En tout cas c’est de la très belle fantasy ! Inhabituelle puisqu’il ne faut pas s’attendre à un récit épique fait de batailles, de luttes mortelles pour le pouvoir ou pour sauver le monde comme le genre nous donne l’habitude… Non non. Ici c’est un récit assez simpliste où la haute société d’une cité imaginaire (Lud-en-Brume vous l’aurez compris) se retrouve à faire face à des événements inexpliqués dont l’origine proviendrait d’un peuple oublié de l’autre côté de la frontière… Et pourtant ce n’est pas gênant, bien au contraire !

Disons le clairement, l’action est très longue à mettre en place. L’auteure prend bien le temps de poser son imaginaire sur le papier, de nous expliquer les tenants et les aboutissants de cette société fantaisiste (que l’on peut rapprocher de certaines sociétés monarchiques dans sa composition sociale) et du peuple que l’on cherche à oublier mais qui imprègne le quotidien de nos habitants du Dorimare. Bref, pour entrer dans le vif du sujet, il vous faudra au moins cent pages. Malgré ce début tardif, c’est un plaisir que de lire la plume de Hope Mirrlees. Pourquoi ? Parce que tout en restant très simple, c’est la description d’un monde imaginaire très bien ficelé, de personnages haut-en-couleurs avec une pointe de poésie à chaque phrase qui fait que les mots défilent avec délice dans notre esprit. A la lecture, ça m’a rappelé un peu la puissance littéraire et poétique de Beowulf.

Quant aux péripéties en eux-mêmes, inutile de vous dire que ce n’est pas la force de ce roman-conte. On découvre très rapidement qui est véritablement à l’origine des malheurs de la haute-société de Lud-en-Brume, notamment de la famille Chanteclerc. Dès le début on s’en doute je dois même dire. Pour autant qu’importe, la façon dont le personnage de Nathaniel Chanteclerc va chercher à prouver cette culpabilité nous tient en haleine tout le long parce qu’en dépit de cette intrigue, c’est vraiment la plume de Hope Mirrlees qui est la plus intéressante.  On comprend mieux pourquoi les éditions Callidor ont choisi cet ouvrage pour ouvrir la section « Âge d’or » de la fantasy : c’est un roman précurseur en la matière. L’imaginaire de l’auteure est si riche, si développé et si prenant qu’il est normal d’être pris en référence par des auteurs actuels de la littérature de l’imaginaire. Le récit de base, déjà bien envoûtant, est agrémenté de plusieurs digressions qui rajoutent un effet de style nous entraînant encore plus dans cet imaginaire. Hope Mirrlees a tout fait pour que le lecteur s’imprègne de son univers, s’en délecte et le déguste sans faim.

Il faut dire qu’en plus du monde inventé, les personnages de Lud-en-Brume sont tous intéressants. Chacun dispose d’un « personnel » très soigné et distinct sans tomber dans la caricature. Une mention spéciale pour celui de Nathaniel Chanteclerc qui est – et c’est rare – le héros d’un livre de fantasy qui ne tombe pas dans une caricature du genre. Non, celui-ci semble craintif, peureux, peu à-même de ramener la paix dans sa région. Mais qu’importe, son évolution au fil des pages est intéressante, sa psychologie évolue au fil des péripéties sans pour autant abandonner les défauts qui constituent sa personne. On se prend même à s’attacher à lui alors qu’il en devenait un peu gavant à la base. Même le « méchant » de l’histoire nous reste sympathique parce que ce n’est pas de la fantasy habituelle : ici la distinction entre le bien et le mal est très succincte. Tout n’est qu’une question de point de vue et de philosophie…

Bref vous l’aurez compris, j’ai adoré cette lecture ! L’imaginaire de Hope Mirrlees est l’un des plus abondants que j’ai pu découvrir en fantasy alors qu’il ne se retrouve que dans ce seul roman. Alors que ce même récit, par d’autres auteurs, aurait été long et ennuyeux, la plume de l’auteure nous fait tenir tout le long par sa poésie et ses effets de style. C’est une écriture à lire, à apprécier et à découvrir et vous ne le regretterez pas !

La petite citation extraite de ce magnifique ouvrage :

Il n’existe pas de monstre, même au-delà des montagnes, plus effrayant que le Temps – page 153.

DÉVOREUR, UN CONTE À DÉVORER PAR STEFAN PLATTEAU !

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En voilà un bel écrin pour le livre-conte du « nouvel espoir » de la littérature de l’imaginaire découvert il y a deux ans bientôt avec son imposant Manesh.

Une nouvelle fois Les Moutons Électriques nous offre un ouvrage de qualité, à mi-chemin entre le livre de poche et le livre grand format dont les mots de Stefan Platteau cohabitent brillamment avec les illustrations de Melchior Ascaride et ces décorations intérieures. Voilà ce que j’aime chez cet éditeur, des livres abordables (19€ pour celui-ci, à partir de 20 jusqu’à 25€ pour les plus – je pense à Manesh), oui je dis bien abordable vu la qualité de l’ouvrage : une couverture épaisse cartonné qui durera avec le temps et des pages dans un papier plus rigide qu’à l’accoutumé ! Bref, ça peut sembler cher mais ça vaut le coût selon moi !

Revenons à ce conte, oui Conte parce que c’en est un. Vu la rapidité de l’histoire et sa taille, on ne peut pas prendre cela comme un roman.

Sommes-nous les jouets des astres ? Qu’est-ce que ces choses lointaines éveillent en nous, qui nous anime et nous pousse à agir d’une façon qui nous étonne nous-mêmes ?

Au-dessus de la demeure de Vidal, l’éleveur d’ânes, une planète brille trop fort ; le comportement de cet homme paisible s’en ressent. Son amie Aube assiste, impuissante, à sa transformation. Parviendra-t-elle à l’arracher à cette influence néfaste, ou faudra-t-il attendre l’aide de Peyr Romo, le magicien des Monts de Soufre ?

Dans la vallée de Pélagis, de vieux instincts s’éveillent, prêts à dévorer toute humanité dans le cœur des êtres…

Une plongée dans l’âme d’un monstre, dans l’univers des Sentiers des Astres.

Décevant ? Du tout ! Tout s’enchaîne rapidement sans pour autant laisser le lecteur perdu dans une mélopée de périphéries sans explications ni compréhension de leurs déroulements. L’évolution du monstre, de sa transformation à son aigreur est parfaitement décrite dans une atmosphère qui me rappelle le lieu où se déroule Manesh : un huit-clos entre plusieurs personnages.

Je dois dire que la première partie, celle sur Aube, m’a peu intéressée. J’ai eu énormément de mal à rentrer dans ce bouquin. L’action était lente bien que nécessaire et ce personnage est, selon moi, celui avec lequel on s’attache le moins. Sa personnalité reste lisse par rapport à celles de Peyr et de Vidal qui démontrent toutes les qualités de Monsieur Platteau à créer des personnages épiques et tortueux dans les méandres de l’âme humaine.

Cependant c’est peut-être une erreur de ma part qui a fait que je n’ai pas apprécier, à sa juste valeur en y repensant, cette partie. En prenant ce livre, je croyais vraiment me replonger dans l’histoire de Manesh, retrouver peut-être certains personnages, certaines explications… A la lecture de cette première partie, j’étais dans l’expectation de ces attentes à mon grand malheur. De facto, je n’ai pas pu apprécier la mise en place du déroulement de ce conte, la description de la lente transformation d’un homme tout à fait normal en monstre, les interrogations de son amie et son envie de l’aider en contraste avec la crainte que celui-ci exerce dorénavant sur elle.

Le reste de ce conte est merveilleusement bien « conté » ! La partie sur Peyr puis le mélange entre Peyr et Vidal est un régal. Ce huit-clos décrit par l’auteur est glaçant, terrorisant mais on s’y plait. Tout ce qui nous paraissait surfait dans la première partie trouve une réponse ici : pourquoi cette transformation, pourquoi s’en prendre à des enfants, le rôle de cette étoile dans le ciel. On se prend à s’attacher à certains personnages, on se prend à en détester d’autres mais aussi à les comprendre. Cet imbroglio de sentiments révèle toute la qualité de Stefan Platteau qui est de façonner ces personnalités-là dans un décor dont mon imagination me permet d’en apprécier la splendeur macabre ! D’autant plus que l’auteur s’attaque à des thèmes plus larges : l’enfance, les ressentiments de l’enfance sur les actes de ses parents, la perception d’un homme face au pouvoir. En 134 pages, c’est un ensemble d’interrogations qui est posé au travers d’une histoire simple mais terriblement efficace.

Je disais m’attendre à ce que cela soit une sorte de pré quel ou quelque chose comme ça de Manesh. Je me suis trompé mais on trouve quand même certains thèmes concordant aux deux œuvres et des explications de Dévoreur font échos à des petites interrogations de l’autre livre. Les deux se lisent indépendamment mais il serait bête

Car oui, en se lançant dans Dévoreur – mais aussi en commençant son premier roman – attendez vous à lire un petit magicien des mots ! Stefan Platteau aime jouer avec, aime nous faire partager ses petites cabrioles stylistiques. Après avoir lu deux-trois romans au style très appréciable mais bien plus directs et « fluides », le début de Dévoreur était déroutant. Le style de l’auteur belge est très riche, très « stylisé » dans le sens où son vocabulaire et sa manie de faire des résonances entre certaines syllabes gorgent son récit d’une poésie rythmique. Voici d’ailleurs l’une de ces cabrioles que j’ai fortement apprécié :

Peut-être que cette fois, c'est à mon tour de t'enseigner. A moins que je ne t'ensaigne, si tu as le malheur de m'offenser à nouveau...

Dévoreur est rythmé, poétique, macabre mais bon sang quel plaisir ! Une soirée pour lire ce conte. Une soirée pour apprécier la qualité de la plume de Stefan Platteau mais maintenant ? J’en redemande !

Un grand merci à cet auteur et aux Montons Electriques pour nous faire découvrir ce talent et ses histoires captivantes.

Si vous appréciez la bonne littérature de l’imaginaire, si vous aimez les beaux ouvrages, il n’y a pas à hésiter. Le style pourra vous paraître un peu compliqué mais on s’y habitue très vite et tout finit par s’engouffrer dans notre esprit, les mots défilent à une vitesse folle et on finit par apprécier ce met délicat qu’est la plume de Stefan Platteau. Il a voulu nous conter l’histoire d’un Dévoreur, mais en prenant ce conte, c’est à notre tour de le dévorer !

Et la petite citation du livre – une de plus après cette démonstration stylistique de l’auteur – qui nous ouvre sur une interrogation sur notre « nous » de tous les jours :

Il suffit qu'un seul ogre s'en vienne, pour que tous les pères cessent aussitôt d'être des valeurs sûres.

A bientôt Stefan pour la suite de tes Sentiers des Astres !