DÉVOREUR, UN CONTE À DÉVORER PAR STEFAN PLATTEAU !

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En voilà un bel écrin pour le livre-conte du « nouvel espoir » de la littérature de l’imaginaire découvert il y a deux ans bientôt avec son imposant Manesh.

Une nouvelle fois Les Moutons Électriques nous offre un ouvrage de qualité, à mi-chemin entre le livre de poche et le livre grand format dont les mots de Stefan Platteau cohabitent brillamment avec les illustrations de Melchior Ascaride et ces décorations intérieures. Voilà ce que j’aime chez cet éditeur, des livres abordables (19€ pour celui-ci, à partir de 20 jusqu’à 25€ pour les plus – je pense à Manesh), oui je dis bien abordable vu la qualité de l’ouvrage : une couverture épaisse cartonné qui durera avec le temps et des pages dans un papier plus rigide qu’à l’accoutumé ! Bref, ça peut sembler cher mais ça vaut le coût selon moi !

Revenons à ce conte, oui Conte parce que c’en est un. Vu la rapidité de l’histoire et sa taille, on ne peut pas prendre cela comme un roman.

Sommes-nous les jouets des astres ? Qu’est-ce que ces choses lointaines éveillent en nous, qui nous anime et nous pousse à agir d’une façon qui nous étonne nous-mêmes ?

Au-dessus de la demeure de Vidal, l’éleveur d’ânes, une planète brille trop fort ; le comportement de cet homme paisible s’en ressent. Son amie Aube assiste, impuissante, à sa transformation. Parviendra-t-elle à l’arracher à cette influence néfaste, ou faudra-t-il attendre l’aide de Peyr Romo, le magicien des Monts de Soufre ?

Dans la vallée de Pélagis, de vieux instincts s’éveillent, prêts à dévorer toute humanité dans le cœur des êtres…

Une plongée dans l’âme d’un monstre, dans l’univers des Sentiers des Astres.

Décevant ? Du tout ! Tout s’enchaîne rapidement sans pour autant laisser le lecteur perdu dans une mélopée de périphéries sans explications ni compréhension de leurs déroulements. L’évolution du monstre, de sa transformation à son aigreur est parfaitement décrite dans une atmosphère qui me rappelle le lieu où se déroule Manesh : un huit-clos entre plusieurs personnages.

Je dois dire que la première partie, celle sur Aube, m’a peu intéressée. J’ai eu énormément de mal à rentrer dans ce bouquin. L’action était lente bien que nécessaire et ce personnage est, selon moi, celui avec lequel on s’attache le moins. Sa personnalité reste lisse par rapport à celles de Peyr et de Vidal qui démontrent toutes les qualités de Monsieur Platteau à créer des personnages épiques et tortueux dans les méandres de l’âme humaine.

Cependant c’est peut-être une erreur de ma part qui a fait que je n’ai pas apprécier, à sa juste valeur en y repensant, cette partie. En prenant ce livre, je croyais vraiment me replonger dans l’histoire de Manesh, retrouver peut-être certains personnages, certaines explications… A la lecture de cette première partie, j’étais dans l’expectation de ces attentes à mon grand malheur. De facto, je n’ai pas pu apprécier la mise en place du déroulement de ce conte, la description de la lente transformation d’un homme tout à fait normal en monstre, les interrogations de son amie et son envie de l’aider en contraste avec la crainte que celui-ci exerce dorénavant sur elle.

Le reste de ce conte est merveilleusement bien « conté » ! La partie sur Peyr puis le mélange entre Peyr et Vidal est un régal. Ce huit-clos décrit par l’auteur est glaçant, terrorisant mais on s’y plait. Tout ce qui nous paraissait surfait dans la première partie trouve une réponse ici : pourquoi cette transformation, pourquoi s’en prendre à des enfants, le rôle de cette étoile dans le ciel. On se prend à s’attacher à certains personnages, on se prend à en détester d’autres mais aussi à les comprendre. Cet imbroglio de sentiments révèle toute la qualité de Stefan Platteau qui est de façonner ces personnalités-là dans un décor dont mon imagination me permet d’en apprécier la splendeur macabre ! D’autant plus que l’auteur s’attaque à des thèmes plus larges : l’enfance, les ressentiments de l’enfance sur les actes de ses parents, la perception d’un homme face au pouvoir. En 134 pages, c’est un ensemble d’interrogations qui est posé au travers d’une histoire simple mais terriblement efficace.

Je disais m’attendre à ce que cela soit une sorte de pré quel ou quelque chose comme ça de Manesh. Je me suis trompé mais on trouve quand même certains thèmes concordant aux deux œuvres et des explications de Dévoreur font échos à des petites interrogations de l’autre livre. Les deux se lisent indépendamment mais il serait bête

Car oui, en se lançant dans Dévoreur – mais aussi en commençant son premier roman – attendez vous à lire un petit magicien des mots ! Stefan Platteau aime jouer avec, aime nous faire partager ses petites cabrioles stylistiques. Après avoir lu deux-trois romans au style très appréciable mais bien plus directs et « fluides », le début de Dévoreur était déroutant. Le style de l’auteur belge est très riche, très « stylisé » dans le sens où son vocabulaire et sa manie de faire des résonances entre certaines syllabes gorgent son récit d’une poésie rythmique. Voici d’ailleurs l’une de ces cabrioles que j’ai fortement apprécié :

Peut-être que cette fois, c'est à mon tour de t'enseigner. A moins que je ne t'ensaigne, si tu as le malheur de m'offenser à nouveau...

Dévoreur est rythmé, poétique, macabre mais bon sang quel plaisir ! Une soirée pour lire ce conte. Une soirée pour apprécier la qualité de la plume de Stefan Platteau mais maintenant ? J’en redemande !

Un grand merci à cet auteur et aux Montons Electriques pour nous faire découvrir ce talent et ses histoires captivantes.

Si vous appréciez la bonne littérature de l’imaginaire, si vous aimez les beaux ouvrages, il n’y a pas à hésiter. Le style pourra vous paraître un peu compliqué mais on s’y habitue très vite et tout finit par s’engouffrer dans notre esprit, les mots défilent à une vitesse folle et on finit par apprécier ce met délicat qu’est la plume de Stefan Platteau. Il a voulu nous conter l’histoire d’un Dévoreur, mais en prenant ce conte, c’est à notre tour de le dévorer !

Et la petite citation du livre – une de plus après cette démonstration stylistique de l’auteur – qui nous ouvre sur une interrogation sur notre « nous » de tous les jours :

Il suffit qu'un seul ogre s'en vienne, pour que tous les pères cessent aussitôt d'être des valeurs sûres.

A bientôt Stefan pour la suite de tes Sentiers des Astres !

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