La République des Enragés de Xavier Bruce, une uchronie dans les travers de Mai 68

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Depuis la sortie de ce roman, son synopsis me donnait fortement envie. Des enfants cobayes du gouvernement qui se retrouvent plongés lors des manifestations de Mai 68 et décident, à leurs tours, de dévier l’autorité gouvernementale qui les a façonnés… Prometteur, fortement prometteur !

« Mai 68, un pavé lancé sur un CRS. La colère étudiante embrase Paris. Seize ans plus tôt, neuf enfants, cobayes pour un programme ultra-secret, s’échappaient de l’Institut Heintelle. Ils ont grandi, développé leurs talents extraordinaires et vont tenter, dans le chaos qu’est devenue la capitale, de mener à bien leur propre révolution. Dans ce nouveau monde où il est interdit d’interdire, est-il permis de tuer ? Deuxième roman de Xavier Bruce, après Incarnations, La République des Enragés est une ode féroce et séduisante à la liberté, une uchronie politique et révoltée. Jouant avec les événements de Mai 68 qui ont façonné notre société, l’auteur donne à lire sa version du mythe où l’artiste apparaît comme unique salut et les arts comme de puissantes armes.« 

Dès le début, on entre dans l’ambiance du roman – une fois que le « prologue » est passé. On se croit véritablement dans les rues de Paris, serrant les coudes avec les étudiants massés sur les pavés pour faire face aux CRS. On a envie de lutter, de crier notre envie de liberté.

Et puis les pages s’enchaînent. La lutte contre le pouvoir étatique gaulliste continue mais sans vraiment voir où veut en venir l’auteur. Chaque cobaye se découvre peu à peu, chaque personnage secondaire également mais sans vraiment nous en dire plus sur la véritable trame de ce roman. On sent qu’il y a l’idée d’une lutte contre le pouvoir mais son expression est légère – par exemple l’idée d’enlever un député est une bonne chose pour la « révolution » mais son réel aboutissement n’est pas exprimé, ni expliqué. Sur ce passage je me disais « Oui c’est bien tout ça mais ça mène à quoi ? ». Et c’est durant tout le livre que j’ai eu cette étrange impression.

Pourtant le roman est loin d’être inintéressant, on s’y plonge aisément, on dévore les mots de Xavier Bruce mais… On reste sur notre faim. Il y a comme un goût d’inachevé sur un peu tout.

Tout d’abord sur les personnages principaux à savoir les enfants de l’institut Heintelle. J’ai eu un énorme coup de cœur pour le personnage d’Arthur Slonge. C’est clairement le plus abouti de l’ensemble avec une personnalité forte et un duo irrésistible avec la belle Anna. Loin de l’idée d’une révolution sanglante comme les autres, son idée est de changer les mœurs par l’art. A la recherche de sa propre identité, on suit son parcours dans le roman avec un certain plaisir. Ce qui n’est pas le cas des autres, trop lisse ou alors trop caricatural – notamment le personnage d’Adèle qui m’a exaspéré plus que tout autre chose.

Ensuite le côté uchronie du roman. Prendre place en Mai 68 et expliquer certains événements par l’action des anciens cobayes de l’Institut ou de ce qui en découle était une idée fabuleuse – notamment l’explication du départ de De Gaulle à Baden Baden ou encore le point de départ des violences lors des manifestations. Seulement, une fois encore il y a un goût d’inachevé. J’aurai tellement aimé que Xavier Bruce aille plus loin dans l’uchronie. L’uchronie n’est qu’un prétexte pour parler des enfants de l’Institut, il y avait pourtant tellement à faire avec ce genre de littérature de l’imaginaire…

La Révolution contre la société par les accès de violence émis dans le livre est, je trouve, trop omniprésente alors que la quatrième de couverture nous parlait d’une révolution par le biais des arts et de l’artiste. Or, en dehors du personnage d’Arthur Slonge, je ne vois pas très bien ce point de vue tant attendu. C’est un parti pris de l’auteur, sûrement mais j’en ressors un peu déçu. Il faut dire que cela reflète bien la situation de l’époque. Je me répète mais, malgré toutes ses déceptions, l’ambiance « soixante-huitard » imprègne le lecteur et le plonge dans cette atmosphère tendue criant un appel à la liberté et à la libéralisation des mœurs. De plus il faut avouer que la plume de l’auteur n’est clairement pas déplaisante, tout se suit, les mots défilent, ça se lit très vite dans un style mélangeant la délicatesse et la rudesse selon les personnages.

 

Au final si vous voulez une plongée dans un univers révolutionnaire très peu évoqué dans la littérature – et que la littérature de l’imaginaire ne vous gêne pas – n’hésitez pas à le lire. Cependant attendez-vous à une juxtaposition de faits violents gratuite et d’une histoire ne s’emballant que dans les cinquante dernières pages au détriment d’une ambiance et d’une idée de base qui semblaient fabuleuses. Après tout, si j’ai bien compris, il s’agit de son premier roman. Alors j’attends de voir si l’essai est confirmé sur les points positifs et corrigé sur le reste parce que Xavier Bruce reste une plume de l’imaginaire prometteuse !

Voici deux citations extraites de « La République des Enragés » qui m’ont interpellé :

« Il ne suffit pas d’aider quelqu’un pour le connaître ».

« Tu peux tout oser, toute te permettre si tu n’as pas peur des conséquences de tes actes ».

 

Alexandre.