Planètes de Makoto Yukimura : un chef d’oeuvre venu de l’espace !

planetes_integrale_integrale_couverture-510x709Quand j’ai vu ce gros pavé de près de 1000 pages trônant fièrement sur l’étagère des mangas de mon frère, je n’ai pu m’empêcher de céder à ma curiosité. Je ne connaissais pas ce manga, je n’en avais jamais entendu parlé et, de prime abord, il ne m’aurait pas intéressé en lisant le synopsis. Seulement voilà, l’image de la couverture m’a… scotché. Clairement. Voir ce personnage errant dans cette immensité, dans ce vide m’a accroché et m’a immédiatement attiré. Et que dire si ce n’est que j’ai bien fait de céder à la tentation.

Hachimaki est récupérateur de débris spatiaux sur le Toy Box. Pas tout à fait ce dont il avait rêvé, mais peu de gens peuvent se payer une navette sans effort. Dans l’immédiat, il n’a qu’une obsession : partir sur un des navires explorateurs de Jupiter. Mais l’espace n’est pas toujours le monde de rêve qu’on imagine vu de la Terre…

Cet intégrale du manga « Planètes » est un énorme pavé difficile à prendre en main. Pourtant c’est un objet qu’il faut absolument lire, regarder, admirer parce qu’il a toutes les qualités requises pour être un chef d’oeuvre de la littérature.

Premièrement nous trouvons une histoire réaliste bien que futuriste. A l’heure où la NASA parle d’effectuer de nouveaux des voyages sur la Lune voir sur Mars, le monde dans lequel évolue nos héros a déjà appréhendé la vie lunaire et l’exploration spatiale. Seulement, si cette exploration a pour but l’expansion de l’espèce humaine pour répondre à l’affaiblissement des ressources de la planète terre, Makoto Yukimura nous relance dans diverses interrogations actuelles et nous fait réfléchir à cette volonté d’aller toujours plus haut, toujours plus loin. En effet bien que ce soit une oeuvre de fiction, nos héros se retrouvent confronter à une multitude de problèmes écologiques comme l’épuisement de l’oxygène où encore l’impact de l’installation de l’homme sur de nouvelles planètes/étoiles. L’apparition d’un groupuscule terroriste un peu similaire à notre « GreenPeace » nous amène à réfléchir sur les conséquences de l’homme sur son environnement spatial à travers sa volonté expansionniste. De même, l’auteur a choisi d’aborder l’espace comme une ressource au même titre que l’eau, l’air, le pétrole et nous fait face à l’utilisation politique de cette immensité dans un contexte d’expansion et de contrôle. Quid du rôle des Etats sur une ressource qui semble illimitée mais qui s’épuisera inévitablement à cause de l’Homme ? Bref c’est tout un ensemble de questionnements et de problèmes liés à la cause humaine qui prennent place dans cet univers si crédible.

Secondement il s’agit d’un chef d’oeuvre parce qu’il remet en question la place de l’Homme. Que peut-on faire face au vide que représente l’Espace ? Doit-on l’appréhender et le coloniser au risque de le détruire petit à petit comme nous le faisons sur notre chère planète terre ? Que représente un seul être humain au milieu de tout ça ? Souvent, très souvent, je me suis retrouvé ébahi devant la sensation de vide qui me saisissait en admirant les planches du mangaka, voir Hachimaki errant seul dans les confins de l’espace. Outre une qualité narrative indéniable nous prenant de bout en bout, cet intégrale est un véritable régal pour l’oeil vu la qualité des dessins, si justes, si fins. A travers une planche, sans forcément rajouter une phrase, Makoto Yukimura réussit à nous faire passer un message. C’est puissant, c’est prenant. Qui sommes-nous pour vouloir à tout prix appréhender l’immensité spatiale ? Avons-nous le droit dans devenir les propriétaires, de le coloniser et d’y imposer notre touche au détriment de la beauté de ce vide ? En 1000 pages les protagonistes membres du récolteur de débris se posent ces questions continuellement et on se prend à réfléchir avec eux, à s’interroger sur le bienfait d’une telle conquête tellement on se retrouve à admirer le vide dessiné dans ce manga.

Et puis outre ces desseins écologiques et humanistes, Makoto Yukimara réussit à nous interroger sur le propre de l’Homme, sur sa place dans la société. Qu’est prêt à faire un homme pour faire face à son ambition ? Le personnage de Hachimaki est travaillé dans ce sens, lui qui veut conquérir l’Espace par tous les moyens possibles afin de laisser son nom dans l’Histoire ? Vaut-il la peine de se sentir seul pour toujours, de renier ses amis, sa famille pour atteindre un rêve qui semble inaccessible ? Parce que c’est ce qui se ressent à la lecture de ce chef d’oeuvre, c’est la peur de la solitude, la peur de l’échec mais aussi l’envie de vivre sa vie en fonction de ses propres rêves. Quelque part, c’est un peu le propre de chaque être humain qui se retrouve dans le destin de cet astronaute…

Vous l’aurez compris, « Planètes » est un chef d’oeuvre. Un chef d’oeuvre parce qu’il s’agit là d’une déclaration d’amour à l’Espace, d’une remise en question de l’Homme et de son impact sur son environnement. Peut-être que vous ne partagerez pas le point de vue de Makoto Yukimara sur la question de l’écologie et des actions néfastes de l’Homme mais tant pis, il n’y a pas que ça qui fait que ce manga est un chef d’oeuvre. Non, il y a la qualité des dessins parce qu’il arrive à nous faire ressentir tellement de choses avec de simples traits de crayons, mais aussi la qualité scénaristique et narrative. C’est un monde futuriste, lointain mais ô combien réel grâce à un vocabulaire pointu – mais très bien expliqué – et des personnages détaillés avec une histoire propre développé en tout point. Bref, n’hésitez pas à vous jeter dessus !

Zér0 pour l’éternité de Naoki Hyakuta & Souichi Sumoto – Tome 1.

9782756036946_1_75J’inaugure la section manga par un jolie coup de cœur qui provient d’un manga peu connu – pour vous dire introuvable dans les deux villes où je me procure mes bouquins en dehors d’une boutique spécialisée – et qui mérite d’être connu.

Zér0 pour l’éternité avec Naoki Hyakuta au scénario et Souichi Sumoto au dessin.

À la demande de sa soeur, romancière, Kentarô se replonge dans le passé familial pour entamer des recherches sur leur grand-père, aviateur et kamikaze décédé sous la Seconde Guerre mondiale. En recueillant les témoignages de ses anciens camarades de guerre, Kentarô découvre le portrait d’un homme complexe, aux multiples facettes, bien loin de l’image qu’il se faisait de ce pilote de l’armée japonaise.

Avec ce manga vous suivez deux jeunes japonais vivant de nos jours qui partent sur les traces de l’histoire de leur grand-père mort bien avant leurs naissances.

Ce premier tome est l’occasion de poser tranquillement l’intrigue ainsi que les personnages. Kentarô est un personnage ordinaire, un peu le « monsieur tout le monde » à la recherche de sa propre identité et de sa raison de vivre. Ce voyage vers un passé que cherche à oublier le Japon est l’occasion pour lui d’en apprendre plus sur ses propres racines et de se découvrir lui-même.

Pourquoi j’ai adoré ce premier tome ? Parce qu’en un seul volume, les deux auteurs ont réussi a mêlé un ensemble de ressentiments qui m’a – à la fois – laissé perplexe, songeur, surpris… Bref un méli-mélo de sentiments pour ce jeune japonais mais surtout pour son grand-père. D’autant plus que ce manga nous pose certaines questions existentielles dès le début : héros ou paria ? Servir son pays par la mort ou le servir en restant vivant ?

Au travers de l’histoire d’un des anciens frères d’armes du grand-père, c’est aussi le cri d’un ancien combattant cherchant la reconnaissance à un pays qui cherche à l’oublier, une interrogation sur la réelle utilité de la guerre et de l’utilisation des kamikazes par l’Empire nippon, sur l’utilité de vivre pour servir son pays ou au contraire mourir pour mieux défendre ses intérêts.

J’ai aimé la construction de ce premier tome, le rappel de l’histoire du grand-père se faisant à coup de flash-back bien dissocié du reste de l’histoire des deux petits-enfants. On ne s’y perd pas, on comprend tout et on a envie d’en lire encore plus à chaque nouvelle introspection dans la vie de ce kamikaze.

Ce premier tome, c’est l’ouverture sur un passé peu glorieux mais qui mérite d’être connu et reconnu à sa juste valeur. C’est un rappel à l’Histoire – celle avec un grand H – de l’Empire japonais et de ses aviateurs. Il mérite d’être lu, d’être connu. Ce n’est peut-être qu’un manga – sous-genre trop méprisé par la littérature – mais c’est un véritable livre historique qui mérite d’être rangé parmi ses confrères dans les rayons « histoire » des librairies.

Si la lecture d’un manga n’est pas trop votre tasse de thé, sachez que cette histoire est tirée du roman du même auteur « The Eternal Zero » (en anglais par contre). Enfin si vous voulez le voir, un film a été fait sur cette histoire sous le titre de « Kamikaze ».